La jeune femme au grand coeur

Publié le par Emilie

Sur son bureau scotches un peu partout, des extraits de la bible, des images colorées. Son fond d’écran est une photo un peu sombre d’une barque qui glisse sur l’eau avec inscrit en dessous: le temps qui passe est comme l’eau de la rivière qui coule. Elle est à Dubai depuis presque un an. A la maison aux Philippines elle a laissé son mari et son fils de 5 ans.

 


Elisabeth a toujours été très travailleuse, mais elle s’est aussi toujours considérée comme très chanceuse dans la vie. Croyante, elle va régulièrement à la messe et est un membre actif de sa paroisse. Son église c’est sa deuxième maison, ses amis de la paroisse sa deuxième famille.

 

Elle a rencontre son mari au travail, c’était un de ses collègues. Apres leur mariage ils ont emménagé dans une maison, toute petite mais rien qu’a eux. Ils ont même pu investir dans une voiture. Quand elle était enceinte, Elisabeth et son mari marchaient de longues heures, elle le faisait pieds nus, le médecin lui ayant dit que c’était bon pour le bébé.

 

Cette année elle a raté la rentrée en CP du Petit et ne s’en est jamais vraiment remise. Quand j’ai vu son expression quand elle m’a montré la photo du premier jour de classe, j’ai compris qu’elle allait bientôt rentrer au pays.

 

Je l’ai déjà dit Elisabeth s’est toujours considérée comme très chanceuse, alors quand elle voyait ses petites sœurs qui ne pouvaient faire des études faute de moyen, quand elle a vu leurs yeux tourmentes car elles ne pouvaient avoir la vie qu’elles esperaient, elle y a vu un signe. Elle s’est dit que elle, la chanceuse, celle qui avait tout, devait donner d’elle pour aider les gens qu’elle aime, après tout c’est ce que lui enseigne la bible. Elle y a vu une opportunité de tester sa foi aussi.

 

Elle a bien fait son calcul : en deux ans elle pourra largement couvrir les frais d’école de ses sœurs et même mettre de l’argent de cote pour le futur du Petit. Son mari a été contre, ses sœurs n’ont qu’a faire comme elle et se débrouiller, et si ils avaient besoin de plus d’argent pour le Petit, il prendra un deuxième travail. Devant son obstination il a bien du céder, et la regarder monter dans cet avion, le cœur brise, leur fils dans les bras faisant  des grands signes d’au revoir a sa maman. Il n’a pas trop compris le Petit. D’ailleurs a chaque fois qu’il a sa mère au téléphone il lui demande quand est ce qu’elle va redescendre de l’avion, parce que ca commence à faire long.

 

A Dubai elle doit partager sa chambre et sa salle de bain avec une inconnue, qui est devenue par la suite une amie. L’église la plus proche n’est reliée par le bus qu’une fois par semaine, et elle n’a plus ses amis de la paroisse mais il y a beaucoup d’autres philippins qui l’ont accueillie des a son arrivée. Elle s’est même inscrite dans l’équipe de volleyball, bien déterminée à profiter de tout ce temps pour perdre les kilos en trop dont elle n’a jamais réussi a se débarrasser depuis sa grossesse.    

 

Son nouveau travail est difficile. Rien n’est organise et sa manager a tendance à abuser de sa gentillesse. Tout le monde parle anglais avec des accents différents, tout le monde est pressé, tout le monde est stressé. Le soir elle pleure toute seule dans son lit, elle prie pour avoir la force mais aussi pour que le temps passe vite. Sa famille lui manque horriblement. Mais elle arrivera finalement à faire sa place dans ce bureau de fou.

 

Une année à passé. Une année pleine d’émotions, belles et tristes. Elle a fait beaucoup de choses qu’elle n’aurait jamais fait à la maison, elle à même participé a une chorégraphie sur la chanson I Will Survive avec ses collègues pour le spectacle de fin d’année et gagné un tournoi de Volleyball. Elle a rencontre des gens de nationalités jusqu’alors inconnues.

 

Son ancien employeur l’a déjà appelée 3 fois depuis qu’elle est à Dubai. Au final ils lui ont proposé la place de son ancien patron avec un confortable salaire. Oh c’est moins que ce qu’elle gagne a Dubai, mais elle a fait ses calculs, et avec ce qu’elle a économisé déjà, elle aura assez pour financer la fin des études de ses sœurs.

 

Elisabeth travaillait avec moi les derniers mois. C’est a moi qu’elle a remis sa démission la larme a l’œil. Elle avait toujours l’air tellement frêle et fragile, mais elle est d’une générosité exemplaire et a un sacré humour ! Le jour ou elle m’a raconté son histoire je suis restée clouée, j’avais jamais imaginé que c’était ca sa raison d’être a Dubai. Moi je croyais que c’était comme toutes les autres que je vois ici : un mari qui s’est tire, un ou plusieurs enfants, ras le bol de pas s’en sortir et de galérer aux Philippines. Alors elles envoient les gosses chez leur grand-mère et zou direction Dubai.

Publié dans Les gens

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